Le parti SADI – Solidarité pour une Afrique Indépendante et Démocratique

Mais si la CAD constitue un « peuple organisé en associations », le parti SADI Solidarité pour une Afrique Démocratique et Indépendante m’apparut comme le fer de lance politique de ce peuple avec Oumar Mariko, brillant leader de cette formation. Il m’a reçue en entretien et avec amabilité m’a raconté les luttes intenses du mouvement étudiant qui renversa finalement le dictateur ultralibéral Moussa Traoré  en 1991. Mais la dissolution de l’URSS et le triomphe de l’Occident capitaliste délégitimaient les organisations anticapitalistes dans le monde entier et consacraient une « ONG-isation » des sociétés soumises à la mondialisation néolibérale avec son cortège de privatisations, de coupes budgétaires et de mise en concurrence tous azimuts sur un marché planétaire. Les puissants mouvements de gauche au Mali n’ont ou aboutir qu’à une « démocratie » libérale chancelante qui se décomposa avec la crise économique de 2008 et politique de 2012, à laquelle fit suite l’intervention militaire française face à l’avancée djihadiste opportunément surgie du désert après la destruction de la Libye par la France et les Etats Unis. Héritage de ces luttes des années 90,  le réseau de radios associatives Kayira, « Amitié », assure au parti SADI une importante audience locale et une popularité électorale qui l’amènent à compter 281 conseiller municipaux, 15 maires et 5 parlementaires. Oumar Mariko lui même gagna la troisième place en terme de voix aux élections présidentielles de 2014. La base sociale du parti est constituée de paysans cultivant eux même leur sol et devant assurer la vente de leur production dans un système ultralibéral ou l’oligarchie préfère favoriser les importations de produits étrangers et ne met en place aucune politique de soutien à la consommation de produits locaux. L’oligarchie ne cherche pas la valorisation de produits locaux, il n’y a pas de prix d’achat garantissant un revenu au producteur, pas de groupements d’achats coopératifs permettant aux paysans d’écouler leur production au prix garanti, pas d’investissement dans l’outil de production, dans la formation, dans les innovations. Au contraire, la primauté est donnée à la vente ou la location de milliers de hectares de terres à des multinationales étrangères afin qu’elles cultivent des plantes industrielles pour le marché étranger (canne à sucre, coton OGM, plantes à agrocarburant), possiblement transgéniques, tout en spoliant au possible les paysans des terres.

les bureaux du SADI à Djelibougou

Oumar Mariko, leader du SADI, député

En écoutant cela, je me rappellais de mes grands parents et de tout ce que le système communiste nous avait apporté dans une Pologne ou les paysans résistants à la collectivisation avaient gardé la petite propriété paysanne. Je me rappelais que l’Etat rachetait toute la production agricole tout en l’orientant vers les denrée les plus déficitaires. Je me rappelle des investissements dans les coopératives, permettant d’avoir accès aux intrants et aux machines ainsi que des petites usines de transformation locales produisant des confitures, des surgelés, des conserves, ou nous vendions notre production de fruits et légumes ramassés à la main par toute la famille en été.

Bien sur, la Pologne avait aussi ses grandes fermes d’Etat organisées sur les terres des anciens aristocrates allemands dont les biens ont été nationalisés comme réparations de guerre. Ces terres produisaient le blé, les légumes et la viande nécessaires aux villes car la propriété paysanne n’était pas capable de nourrir entièrement un pays en pleine expansion industrielle et démographique. Il y avait des ratés, par exemple l’élevage à viande toujours insuffisant au regard d’une population dont le niveau de vie augmentait et le mode de consommation évoluait. Mais l’Etat donnait toute sa place dans la société aux enfants des paysans en construisant des écoles secondaires, des lycées agricoles et techniques, et en leur permettant d’accéder gratuitement aux études supérieures. Les paysans exigeaient que l’Etat fournisse les services publics digne d’un Etat moderne, l’eau assainie dans les maisons, l’électricité jusque dans les coin les plus reculés, les routes, les transports en commun, le téléphone, les centres de santé, les bibliothèques de villages, les salles de fêtes et de cinéma… Au Mali, comme me l’expliquent les militants du SADI, chaque commune doit se débrouiller seule avec les financements ONGisés pour leur infrastructures,  la vente des produits dans des marchés urbains aux prix fluctuants et concurrentiels, la concurrence des produits importés, et même avec la construction d’écoles.

Il est clair pour le SADI qu’un pays ne peut être développé par des financements d’ONG, surtout étrangères qui ont leurs propres intérêts, mais par un Etat au service de tous les citoyens. L’urgence est palpable car l’impatience du peuple s’exaspère devant un Etat inexistant alors que le 21ème siècle avance et il est non seulement inconcevable de vivre sans électricité, sans centres de santé et écoles  mais également sans accès à internet. La « politique ONG » touche à sa fin et les profiteurs du système ne savent plus quoi faire pouir empêcher les populations de mettre au pouvoir des organisations politiques portant haut des ambitions de planification et de renationalisation.

La deuxième base sociale du SADI est constituée de jeunes chômeurs et précaires diplomés révoltés d’être les laissés pour compte d’une société ou aucun emploi qualifié n’est acessible sans appui ni piston. Aux révoltés de Tunisie, du Maroc et d’Egypte répondent ceux du Sénégal, du Burkina Faso, du Mali, du Togo… et ceux des Balkans et de Grèce car la mise à l’écart, l’impuissance politique des jeunes va de paire avec leur marginalisation économique.

Le SADi est donc un parti de jeunes qui se développe de façon dynamique dans de nombreuses régions. Très populaire suite à sa dénonciation de l’impérialisme français depuis 2013, le leader du SADi est bien placé pour être deuxième aux élections présidentielles de juillet prochain. Potentiellement il peut donc… gagner. Et c’est là que les problèmes vont commencer.

Pour illustrer les luttes menées, Broulaye et Kané Daouda me présentent les militantes de la WILDAF.