La WILDAF (Women in Law and Developpement in Africa)

La réunion avec la WILDAF (Women in Law and Developpement in Africa) m’ a appris à comprendre le lien entre la marginalisation politique des femmes et la spoliation économique de tout un pays par des oligarchies compradore locales et par les impérialistes étrangers.

La WILDAF a comme objectif la protection et la promotion des intérêts des femmes. Quatre grands projets m’ont été présentés par Madame Dicko Boye Diallo et les trois cheffes de projets. Le premier concernait l’implication des femmes du Nord du Mali dans les « cercles de paix » accompagnant la négociation de l’accord de paix et de réconcialiation avec le Nord du pays. Sans femmes, pas de paix, et le dialogue entre les femmes du Nord et du Sud devait être un levier de la réconciliation nationale. Je savais par la Marche Mondiale des Femmes que lorsque les femmes sont les premières promotrices de la réconciliation, la paix a plus de chance de s’intaller. Il en a été ainsi à Chypre ou au Kosovo ou les femmes ne laisseront plus les hommes faire la guerre, comme me l’ont rappelé les femmes du  Kosovo Womens Center et Farhije Hoti, responsable de coopérative agricole à Rahovec dans le sud du Kosovo. Mais la discussion avec Madame Diallo me rappelait douloureusement qu’il faudrait ainsi agir pour mettre fin à la guerre civile en Ukraine en impliquant les femmes de l’Ouest de l’Ukraine et du Donbass dans les négociations… Pourquoi ne pas prendre modèle sur nos consoeurs maliennes ? Madame Diallo le comprenait d’autant plus que, comme nombre d’intellectuels maliens de ma génération, elle avait fait ses études en… Ukraine soviétique, à Charkov, ville martyre de la guerre de 2014. De façon surprenante j’ai rencontré d’autres militants maliens qui avaient passé une jeunesse incouciante en URSS.  Je l’ai exhorté à ne pas nous laisser seules et à nous aider à sortir de la guerre en Europe.

Le deuxième projet de la WILDAF était un projet de loi contre les violences basées sur le genre. La loi était prête mais n’avait pas été votée, les militantes s’activant pour renforcer les femmes en tant que candidates aux élections, notamment en tant que maire, chef de village, mais aussi conseillère régionale et parlementaire. La nouvelle loi visait à éradiquer l’excision, la répudiation, le mariage précoce, mais comme d’habitude dans les questions de droits des femmes, sans argent de l’Etat, sans formations des structures sociales à ces questions, sans refuges pour les femmes victimes de violence, il est impossible de mettre en oeuvre une telle loi, dans le Sud comme dans le Nord.

La WILDAF a aussi mené une importante étude sur les droits des femmes à la terre et la jeune cheffe de projet me raconta bouleversée comment 90% des usagères de la terre agricole sont des femmes qui font vivre leur famille avec leur production vivrière, mais elles ne sont qu’un infime pourcentage à en être propriétaires. Certes, au Mali, la terre est propriété d’Etat gérée soit par le droit coutumier ou les chefs du village attribuent des parcelles aux habitants, ou par les municipalités qui jouent le même rôle. Mais malgré une loi déjà obtenue censée attribuer 15% de la terre au femmes  et aux jeunes, il est plus fréquent que les chefs coutumiers accordent les terres les plus fertiles aux hommes pour des cultures de rente et aux femmes des parcelles petites, difficiles d’accès et moins rentables. Fréquemment ces responsables succombent à l’argent versé par des multinationales qui mettent ainsi la main sur des dizaines de milliers d’hectares de terre pour les cultures d’exportation sans que les paysans et paysannes ne soient aucunement indémnisés. Depuis 10 ans cette spoliation massive est au centre des luttes sociales au Mali et la sécurisation du foncier une des premières revendication de la Convergence Globale des luttes pour la Terre et pour l’Eau en Afrique de l’Ouest.

A la WILDAF

En écoutant Mlle Geneva Haby me raconter les luttes des femmes, je pensais fortement à la décollectivisation sauvage de nos campagnes en Europe de l’Est dans les années 90, qui a laissé les ouvrières agricoles sans revenus et les a poussé à la misère de l’exode et de l’émigration. Cette décollectivisation a été une reprivatisation sous forme de reféodalisation, les terres ayant été transférées dans les mains de la nouvelles oligarchie qui les a vendues aux multinationales occidentales. Aujourd’hui, en Hongrie, en Bulgarie, en Roumanie et en Pologne, les multinationales cultivent sur des centaines de milliers d’hectares du tournesol et du colza, du maïs parfois OGM pour la production d’agrocarburant de l’UE, tandis que la production agricole paysanne est sous-payée et la fabrication artisanale vendue sur les marchés locaux ne génère qu’un revenu de survie aux familles.

Pour la WILDAF changer la politique vis à vis des femmes implique de former les femmes afin qu’elles puissent contrôler les finances publiques et exiger ainsi que les dépenses aillent à la scolarisation des filles, aux centres de santé, aux politiques induisant des changements de comportement pour éradiquer la mentalité machiste méprisant les femmes, leur travail et leur rôle social. Je ne pouvais que souscrire, pensant à la marginalisation politique de mes consoeurs dans les campagnes et les petites villes d’Europe de l’Est, malgré une instruction encore présente, héritage de l’égalitarisme de nos régimes communistes.

Agriculture urbaine à Bamako

La visite à la Maison du Karité à Siby m’a permis d’avoir une idée de la production domestique des femmes et de leur mode d’organisation en coopératives.