Le Mouvement Patriotique Nigérien Kishin Kassa

Le lendemain, la veille de mon départ, fort regretté mais nécessaire pour retrouver le travail et donc mon unique source de revenus, nous avons un entretien au parti Mouvement Patriotique Nigérien Kiishin Kassa, dans une belle maison peinte en jaune et rouge pimpants. Je suis reçue par Soumaila Tchiwake, vice-président du parti et conseiller spécial de la présidence de la République en présence du responsable de la jeunesse du parti Hama Has. Crée un an à peine avant les élections de 2016, ce nouveau parti de gauche très lié aux mouvements sociaux du RNDD a eu quelques mois à peine pour mener sa campagne électorale tambour battant. Soutenus par les femmes et les jeunes qui font du porte à porte dans tous les villages du pays les Patriotes nigériens réussissent à faire élire 5 députés ! Sollicité par le président Mamadou Issoufou pour faire partie de la coalition du gouvernement, le parti lance une consultation à travers le pays dont le résultat l’encourage à ne pas éviter la dynamique positive et à prendre les rênes du pouvoir.

Ainsi, du jour au lendemain, le parti dispose de trois ministères qui sont des postes clés dans un pays dont les ressources minières sont si convoitées par les riches de ce monde : ministère des affaires étrangères avec Ibrahim Yacoubou, leader du parti, ministère des mines avec Amani Abdou et ministère du développement communautaire. Soumaila Tchiwake m’assure que trois objectifs animent son parti : garder un contact permanent avec la population, développer les ressources du pays et surtout, selon le slogan « Le Niger autrement », mettre fin à la pauvreté, à la souffrance, au déclassement et à la spoliation. La suite du slogan annonce « 1 Nigérien, 1 Toit, de l’eau et du travail » ! Avec 75% des jeunes diplômés au chômage, le parti sait exactement quels sont les besoins de sa base sociale, ces jeunes et ces femmes qui s’organisent en cellule dans chaque village mus par l’espérance que cette fois le sort peut basculer et leur donner la chance d’enfin peser sur leur destin en orientant l’Etat vers une vraie politique de changements. « On se voit en leader du pays » me dit M. Tchiwake et je le crois profondément tellement la force des mouvements sociaux dans son pays et dans les autres pays de la région m’a impressionnée.

Le ras le bol d’être les derniers wagons du train mondial du développement moderne est tellement général qu’une secousse majeure va, doit de produire rapidement. La veille nous avions subi, dans la capitale d’un pays producteur de pétrole et d’uranium, 6 heures de coupures d’électricité interminables – sans ventilateur impossible de rester dans la maison, nous avons dormi dehors dans la cour de la maison. Mon hôtesse s’inquiétait surtout des denrées stockés dans le congélateur alors que rien ne doit se perdre dans une économie domestique ou la nourriture maison est la base de la survie.

Avec les camarades de la direction du Mouvement Patriotique Kiishin Kassa

M. Tchiwake me brosse le programme ambitieux des changements à mener : embaucher massivement des enseignants parmi les diplômés, mener de front une scolarisation massive surtout des jeunes filles, qui comprendra également l’accès au Planning familial. Les discussions avec les femmes m’ont déjà démontré que les droits des femmes sont un sujet majeur. La scolarité des filles doit être couplée à un soutien aux mères seules, à l’accès à un métier, au soutien aux coopératives féminine, mais aussi à la lutte contre le mariage forcé et les violences de genre. Les femmes des coopératives m’ont parlé des petites bonnes mises enceintes par leur employeur et qui se retrouvent à la rue sans ressources et dans l’opprobre…

Pour certaines la polygamie doit également être questionnée surtout lorsque la femme ne bénéficie pas de l’égalité de traitement. Vaste chantier auquel la Section féminine du parti va s’attaquer en priorité. Un programme qui doit aller de pair avec un changement général de la situation des masses, l’augmentation nécessaire des ressources et des revenus, la construction de services publics et d’infrastructures, de logements, d’écoles et de centres médicaux… Mes interlocuteurs y croient. Ils ajoutent que les ressources minières du pays doivent servir uniquement au bien être des Nigériens.

Au besoin on procédera à des nationalisations, car le monopole des entreprises françaises sur les biens du Niger a assez duré. D’autres puissances, les États-Unis, le Canada, la Chine talonnent la France. A Agadez, dans la zone minière, le salaire de base ne dépasse pas 20 Euros par mois. Il est temps de changer cela. Pour autant le parti Kiishin Kassa n’entend pas abandonner les activités traditionnelles comme l’agriculture et l’élevage mais les moderniser pour développer les exportations. Je rêve que les femmes des groupements Koulawa puissent vendre dans le jolis emballages leurs bons produits bio dans les marchés, les magasins de la région et pourquoi pas ailleurs…

Et vivre comme mes grands-parents ont vécu dans l’ancien système communiste : bien, avec le sentiment du devoir accompli, propriétaires de leur maison en coopérative ou en privé, sachant les enfants à l’école et l’université avec un avenir ouvert pour eux vers une liberté d’être et de se construire.

Pour tout cela, notre lutte commune est nécessaire.