Finalement il est paradoxal que la lutte pour la « dé-ngoisation » de l’Etat passe nécessairement par la création d’ONG citoyennes puissantes et structurées aidant les populations à prendre en charge les tâches que l’Etat bourgeois n’assume pas… Mais à ce stade il n’est peut-être pas possible de faire autrement, comme le montre le désastreux exemple de nos pays de l’Est ou aucune auto-organisation n’existe vraiment. Les syndicats sont réduits à l’état de vestiges, les structures sociales sont privatisées ou servent à la coercition sociale. Les ONG payées par les fondations étrangères sont un paravent donnant des emplois à une mince couche d’employés de classe moyenne souvent d’ailleurs de la même nationalité que les fondations bailleuses de fonds. En 25 ans nombreux furent les Allemands débarquant en Pologne apprendre aux Polonais « la gestion démocratique », d’autres Occidentaux en Bulgarie ou Roumanie pour « soutenir l’inclusion des Rroms » avec un argent dont les Roms ne voyaient que de loin la couleur.
Organiser un vrai syndicat dans les pays de l’Est se solde par une lourde répression, licenciement, mise sur liste noire, comme l’ont démontré de nombreux exemples en Pologne. Créer une association qui pose des sujets tabous se heurte à des obsctacles bureaucratiques dès le bureau des juges qui sont censés l’autoriser. Il est interdit de « faire l’apologie du totalitarisme », c’est à dire du communisme et du socialisme, voir la longue lutte du petit Parti Communiste Polonais KPP contre son interdiction par les juges de 1999 à nos jours. Même des structures social-démocrates modérées mais souhaitant le retour d’un Etat laïque et indépendant se sont heurtées aux volontés des puissances de les faire interdire. En 2002 au sein de la Commission Commune de l’Etat et de l’Episcopat en Pologne, le Vatican a exigé du gouvernement d’interdire le parti Raison de la Gauche Polonaise car ce parti prônait la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Ce parti RACJA n’a finalement pas été interdit mais il a été démantelé suite à l’infiltration de ses instances par des néolibéraux. Par la suite ces néolibéraux l’ont dissous en rejoignant la coalition de Janusz Palikot, un libéral anticlérical qui obtient en 2011 10% des voix au Parlement Polonais, puis une fois le job de démantèlement fait, s’est évanoui dans la nature.
La population d’Europe de l’Est est atomisée, les citoyens font face à une solitude effrayante et ne vivent aucunement leur vie selon un modèle occidental de liberté d’individualiste. Dans ces circonstances, il est quasiment impossible de reconstruire des structures associatives, sociales et politiques sans aide et soutien d’amis extérieurs ayant de l’expérience et des ressources. Les organisations africaines me paraissent d’autant plus admirables et la démocratie africaine, notamment malienne, incarnée par des structures comme la CAD, le SADI et le Mouvement des Sans Voix sont un exemple d’une grande vitalité. Un exemple dont nous devrions nous inspirer.