Le premier jour nous avons rendez-vous chez les militantes de l’Association des Femmes Juristes. J’y apprends que la situation des femmes au Burkina Faso est particulière du fait de l’héritage sankariste. Il semblerait que la monogamie soit plus répandue que la polygamie et que l’accès aux études secondaires et supérieurs soit plus important que dans les pays voisins. Les militantes me donnent la brochure expliquant la loi de 2005 portant sur la santé reproductive. Les dispositions sont novatrices et radicales ! Non seulement toute violence sexuelle et atteinte au corps est interdite, mais la loi garantit l’accès à toute forme de contraception à tous et toutes à égalité. L’information sur la contraception est garantie aux jeunes. De plus ne pas se protéger alors qu’on se sait atteint du VIH est puni comme un crime, particulièrement s’il y a contamination considérée alors comme un homicide volontaire !
En Europe il a fallu de nombreux procès pour que les femmes puissent faire condamner pour tentative d’empoisonnement un homme les ayant contaminées sciemment. Les peines n’ont été que de quelques années de prison. Concernant l’avortement, même si pour moi en tant que Polonaise le droit à l’avortement concédé uniquement en cas de viol, de malformation du fœtus et de danger pour la santé de la mère est une régression par rapport à la liberté de décision que nous avions eu en Pologne Populaire, je conçois que la loi burkinabée garantissant ce droit est meilleure qu’une interdiction complète qui prévaut partout sur le continent africain sauf en Tunisie. Et puis la médecine traditionnelle est parfois plus accessible pour les femmes que les méthodes modernes. Les militantes de l’association m’expliquent leur campagne « Voie pour la Santé » sensibilisant les femmes à leur droit à espacer les naissances et à utiliser la contraception. Elles m’expliquent les « cliniques juridiques » assistant les femmes victimes de violence dans le cadre la loi contre les violences qui vient d’être adoptée.
Cette loi interdit l’excision, le mariage d’enfant, le viol conjugal, et les violences conjugales. Reste à la faire appliquer et ici comme ailleurs nous savons toutes combien il est difficile de faire changer les mentalités patriarcales. Comme chez nous l’obstacle est la peur des femmes de porter plainte de crainte de représailles. Un autre fléau est l’impossibilité de faire payer des pensions alimentaires par des hommes qui travaillent dans le secteur informel non seulement du fait de l’impossibilité de contrôler leurs revenus, mais aussi du fait de la faiblesse et de la précarité de ces revenus, indépendamment de la bonne ou mauvaise volonté des pères. Cela nous est bien connu, surtout en Europe de l’Est ou l’homme est insolvable dans son chômage et son revenu difficilement saisissable lorsqu’il émigre en Occident en quête perpétuelle de travail stable. Cependant, il n’est pas rare que les Polonaises se débarrassent aussi sec d’un homme parti en émigration qui ne rapporte pas l’argent escompté et ce sans aucun égard à ce que ces hommes peuvent subir comme exploitation en Occident.
Les féministes Burkinabées comptent en outre sur la loi sur les quotas pour sécuriser un accès des femmes aux postes politiques et changer ainsi petit à petit la structure patriarcale du pouvoir. Cela me semble réaliste étant donné le nombre important de militantes politiques dans différents partis et mouvements, comme chez mes amis d’ATTAC et au Balai Citoyen. Une femme a même été une des leaders du soulèvement de 2014 avec sa célèbre garde montée à cheval. L’Association des Femmes Juristes est en outre membre du Réseau National contre la Corruption, de l’Observatoire du Foncier et de la Coalition burkinabé pour le droit des femmes. Dans ce travail d’expertise nous nous attardons sur la question du foncier.
Si les femmes Burkinabées tout comme les Maliennes ont du mal à accéder à la propriété de la terre, combien de femmes européennes sont-elles réellement SEULES propriétaires de terres agricoles et de moyens de production ? Peut-être 1% au plus… En Europe les femmes sont propriétaires en tant que membres d’une famille et les féministes ont lutté pour le mariage égalitaire pour que la femme puisse posséder sa part des biens familiaux. Mais en Europe de l’Est, il est encore fréquent de spolier la femme de sa part d’héritage foncier quand elle est seule et sans enfants par le biais de toute sortes de manipulation.
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